Si vous êtes tout nouveau dans la bière, vous avez malgré tout dû entendre parler de ces fameuses bières d’abbaye ou trappistes. Ces bières au marketing bien fait vous présentant des moines brassant religieusement une bière très aromatique et puissante. Une bière fabriquée au sein de l’abbaye, qui a brûlé plusieurs fois et qui a toujours su renaître de ses cendres etc…. Vous voyez de quoi je parle non?
Et bien les industriels jouent énormément sur les mots et l’opacité avec ces bières là, l’occasion pour moi de vous décortiquer un peu cela à travers un petit article, dont une version longue se trouvera en bas de page sur le site Beer Lantern.
La fameuse bière d’abbaye, vous en connaissez forcément une, Leffe Grimbergen etc… toutes ces bières sur fond de vitraux et de symboles qui vous parlent d’un savoir faire très ancien. Et bien sachez que la plus grosse majorité d’entre elles ne sont que des étiquettes avec un très bon marketing qui les accompagne!
On vous vend la bière d’abbaye comme un gage de qualité, c’est en partie vrai d’un point de vue historique mais ça ne l’est plus tellement aujourd’hui. A l’époque où les moines ont décidé de brasser eux mêmes de la bière, tout le monde avait tendance à vanter leur savoir-faire, et pour cause, leurs brassins étaient de très bonne facture dixit les témoignages des nombreux consommateurs de l’époque. En 1789 eut lieu un léger évènement en France qui chassa bon nombre de religieux du territoire français. La révolution française a forcé les religieux qui ne voulaient pas se soumettre au serment de la Nation à partir ou être exécutés.
Je vous passe toute l’histoire qui aura eu moultes rebondissements avant la loi de séparation de l’église et de l’état de 1905, mais ce qu’il faut retenir c’est que de très nombreux moines (vu que nous parlons d’eux ici), ont fui dans des pays tels que la Belgique ou encore les Pays Bas.
Les moines restants, ou ceux qui sont revenus après la tempête n’ont plus trop brassé de bières en France, mais c’était sans compter sur l’ingéniosité des industriels qui ont su, après la guerre, quand peu de brasseries subsistaient et que les grands groupes oligopolistiques ont commencé à se créer (AB Inbev, Heineken etc…), jouer avec ces abbayes.
Prenons le cas de Leffe, marque très connue aujourd’hui, sachez qu’aucun moine n’a brassé cette bière! La marque est née en 1952 quand le groupe AB Inbev racheta la licence d’utilisation de l’abbaye. En somme toute, c’est le cas pour la majeure partie des bières d’abbayes que l’on retrouve dans nos supermarchés, une licence d’utilisation et rien de plus! Parfois l’abbaye n’est qu’une ruine, comme la bière Abbaye de St Vauclair qui n’est autre que quelques pans de murs dont la licence a été achetée par le groupe Lidl!
Moralité : une bière d’abbaye c’est bien souvent une simple licence d’utilisation qui vous donne un semblant de gage de qualité. C’est un peu comme si quelqu’un, à Marseille, achetait le droit d’utiliser le nom de l’abbaye de St Victor pour faire la bière d’abbaye de St Victor, alors que tout bon marseillais sait qu’aucun moine ne brasse dedans!
Toutes? Non une abbaye d’irréductibles moines résiste encore et toujours à l’envahisseur. Vous aurez tous et toutes trouvé la référence à Astérix, mais si les industriels ont bel et bien instrumentalisé les abbayes à des fins purement marketing, il y a bel et bien une résistante en France qui brasse réellement sa bière en totale indépendance!
L’abbaye de St Wandrille, dans le 59, est la seule bière d’abbaye en France qui est actuellement brassée par des moines. L’activité a été lancée en 2016 quand les moines ont constaté que leurs activités de fabrication de cire d’abeille et d’archivage numérique faiblissaient, il fallait se réinventer et comme leurs confrères cisterciens, ils ont décidé de se lancer dans le brassage! Je précise confrères cisterciens car ces moines-là sont de l’ordre bénéfictin.
Les moines ont d’ailleurs fait appel à un zythologue pour les aider à concevoir leurs recettes et leurs étiquettes afin de proposer des produits de qualité! Des bières d’abbaye que nous comptons bien vous proposer bientôt à la Bière Academy! Patience!
Les moines trappistes, et donc leurs bières, sont des moines appartenant à l’ordre cistercien de la stricte observance, un ordre qui se compose d’environ 96 abbayes et 70 monastères à travers le monde. Cet ordre date du 12ème siècle et ses modalités ont été revues au 17ème siècle car celui-ci était devenu un peu trop souple, il a été divisé en plusieurs sections avant d’être regroupé. De nos jours, après ces nombreux remodelages, il n’existe plus qu’un seul ordre cistercien dont le principe fondamental est l’autosuffisance des abbayes, et c’est ca qui fait d’une bière qu’elle est trappiste!
Je vous passe les détails sur l’ordre, que vous pourrez retrouver dans les sources en bas de page, nous allons nous intéresser directement aux bières trappistes et leur grande différence avec les bières d’abbayes justement!
Si aucune de ces 3 règles n’est respectée, la bière n’est pas trappiste et les contrôles sont très stricts! D’ailleurs, pour reconnaître une brasserie trappiste il suffit de regarder l’étiquette, vous pourrez y retrouver un logo, un hexagone dans lequel est inscrit “trappist beer”.
Il existe à ce jour 12 brasseries trappistes dans le monde :
Il y a 2 brasseries trappistes qui depuis peu sont sorties :
Il existe enfin deux brasseries considérées comme trappistes officieusement mais qui n’ont aucun logo officiel :
Abbaye du mont des Cats : en 1847 une brasserie est installée dans l’abbaye, à la base la bière produite était pour les moines uniquement, mais la demande se faisant, les moines décident de commercialiser la bière. Suite aux lois de séparation de l’église et de l’État de 1901 et 1904, les moines quittent le territoire en 1905 et s’installent à Watou, en Belgique, dans une ferme baptisée “Refuge Notre Dame de Saint Bernard”. Dans cette ferme, l’activité brassicole reprend et les moines lancent une marque que beaucoup doivent connaître : la St Bernardus!
Pour l’anecdote, en 1814, plusieurs moines de Mont des Cats fuient la France pour se réfugier à St Sixte rejoindre l’ermite Jan-Baptist Victoor, de cette rencontre naîtra l’abbaye de St Sixte qui donnera la célèbre trappiste Westvleteren ! Les bières Mont des Cats, quant à elles, sont brassées ni plus ni moins que chez Chimay, comme quoi, il y a toujours un petit lien…
Monastère de San Pedro de Cardena (Espagne) : la bière est considérée elle aussi officieusement comme trappiste, mais la production n’étant pas faite et contrôlée par les moine, elle n’a pas droit au logo officiel, mais les bénéfices vont aux bonnes oeuvres et au fonctionnement du monastère.
Dorénavant, vous saurez quelle différence il y a entre une bière d’abbaye et une bière trappiste! A la Bière Academy, nous avons par exemple de l’Orval, et nous sommes actuellement en passe de proposer de l’abbaye de St Wandrille, mais ne pensez pas que ce sont les seules bières de cette catégorie que nous comptons proposer! Certaines trappistes vendues en supermarché ne pourront prendre place chez nous, mais d’autres plus rares pourraient faire un jour leur apparition dans nos rayons, à l’exception de la Westvleteren qui est interdite à la vente en dehors de l’abbaye de St Sixte… mais qui sait, peut être qu’un jour nous donnerons un carton à partager entre membres du club?
Qu’est ce qu’une bière trappiste et quelle est son histoire? (MAJ 05/03/23)
